Tunisie – Etats Unis : la crise a-t-elle profité aux hommes d’affaires tunisiens ?

La coopération tuniso-américaine date de plus de 50 ans. Les deux parties n’ont pas cessé de développer leurs relations commerciales, en mettant à profit les perspectives prometteuses qui s'offraient à eux. Les Etats-Unis d’Amérique constituent un marché qui intéresse la Tunisie et vice-versa. Depuis 1994, les investissements américains en Tunisie ont atteint environ 1,04 milliards de dollars. Plus de 70 entreprises américaines ont effectué des investissements directs en Tunisie. Elles emploient environ 18.000 salariés locaux. La plupart travaillent dans l'énergie, les TIC et les produits destinés à l'exportation. Du côté de l’exportation, la part du lion des produits tunisiens exportés en 2007 vers ce pays revient à l’agriculture avec 62,8% suivie par la bijouterie et la verrerie avec 33,3%.

Grâce à son emplacement stratégique, la Tunisie représente un pays clé pour les Etats-Unis. En 2008, elle a réalisé un excédent sur ses échanges avec les Etats Unis avec 141,6 millions de dollars US (M$), selon les statistiques communiquées par la Chambre de commerce tuniso-américaine (TACC). En effet, les exportations tunisiennes ont atteint 644,1 M$, alors que les importations s’élevaient à 502,4 M$.
Changement de cap en 2009, suite à la crise qui a sévi outre mer ; les échanges entre les deux pays ont baissé significativement pendant les huit premiers mois de l’année 2009, avec un solde déficitaire au détriment de la Tunisie (- 17,6M$). Les exportations tunisiennes ont chuté de presque 2/3, atteignant 240 M$. Les importations ont diminué de moitié, se situant à 257,6 M$.
La crise financière a joué un mauvais tour au développement des échanges entre les deux pays. Mais, qu’en-t-il de l’état réel des affaires aux Etats Unis. Le constat est frappant : en pleine crise, des hommes d’affaires tunisiens ont réussi à décrocher des contrats. Les produits tunisiens gardent toutes leurs compétitivités, grâce à leur qualité et à leurs prix attrayants. En outre, ce pays Nord américain dispose d’un programme préférentiel d’exonération de droit de douane.
Aux Etats-Unis, le système généralisé de préférences (SGP) est conçu pour promouvoir la croissance économique dans le monde en développement. Il fournit aux entreprises tunisiennes la possibilité d'avoir accès librement au marché américain, pour y exporter divers produits, sans payer des droits de douane. Il assure une exemption de taxes douanières à 3.400 types de produits, à partir de 132 pays. Il donne ainsi un avantage compétitif aux exportations tunisiennes sur le marché des Etats-Unis. La Tunisie a été l’un des premiers bénéficiaires du programme en 1976.

Grâce à ce programme, plusieurs opportunités d'exportation et de franchise de droits de douane s’offrent aux exportateurs tunisiens. Toutefois, par manque d'information, les opérateurs tunisiens exerçant dans le domaine de l'exportation n'utilisent pas, comme il se doit ce privilège.
Ainsi, des milliers de dollars de droit de douanes ont été indûment versées aux autorités américaines (par exemple 166.747 de dollars pour les pièces de rechange pour moteur en 2007) . Pendant les 8 premiers mois de 2008, 108,8 M$ (21,5%) ont été réclamés dans le cadre du SGP pour des exportations qui ont atteint 504,1 M$. Par ailleurs, sur un total de3.400 produits éligibles, seulement 56 produits ont été exportés par la Tunisie.
La Tunisie et les Etats Unis ont signé un accord dans le secteur de l’artisanat qui permet d’importer des taies d’oreiller en textile et des tentures murales sans droits de douane. Mais, depuis 2006, les Etats-Unis n’ont pas importé d’articles, en application de cet accord. Bien que la Tunisie soit l’un des 16 pays à partir desquels les Etats-Unis peuvent importer ces articles sans droits de douane. Il s’agit là d’un avantage inexploité, mais important pour les artisans tunisiens.
Ainsi, de nombreux produits tunisiens éligibles SGP sont dirigés vers d'autres pays, alors qu'elles pourraient profiter d'une franchise de droits lorsqu'ils sont exportés vers les Etats-Unis. On peut citer les machines et le matériel de transport, les combustibles minéraux, les lubrifiants, les matières animales connexes, les huiles végétales, les graisses, la cire….
En 2008, les exportations tunisiennes des bijoux en or notamment ont connu une croissance rapide. Elles sont passées de 4 M$ (entre janvier et octobre 2007) à 12,6 M$ pendant la même période de 2008, soit une progression de 3,2 fois.

La Tunisie intéresse aussi les entreprises américaines. Car, elle dispose d’une main d’œuvre qualifiée et à coût très compétitif. D’ailleurs et malgré la crise, plusieurs entreprises ont investi et continuent à investir dans le pays. La plupart d’entre-elles opèrent dans l'énergie, les TIC et les produits destinés à l'exportation.
Dans le secteur de l’énergie, "Pionner" a investi 89,6 M$ en 2008. Ses investissements devraient atteindre 53 M$ en2009. APEX a injecté 8,9 M$ en 2008 et prévoit de mobiliser 1,89 M$ en 2009.
La société AGROMED a augmenté son capital de 7,7 M$ en 2008. Elle exerce dans le secteur des laiteries, fromageries et yaourt.
Les entreprises américaines ont aussi participé dans la création d’emplois. JAL GROUPE, qui fabrique des chaussures de sécurité, a crée 100 emplois, en 2008. HR ACCESS, une entreprise de développement et maintenance de logiciels, prévoit de créer 97 postes vers la fin de 2009.
En outre, comme le révèle les délégations d’hommes d’affaires qui ont visité les Etats Unis, plusieurs grosses entreprises de renommée internationale sont intéressées par le site tunisien. On affirme dans les coulisses que Boeing serait de la partie.
La crise s’est donc avérée être une aubaine pour les hommes d’affaires tunisiens. Reste à faire découvrir davantage le produit tunisien sur le marché américain. Il est également nécessaire de bénéficier des avantages accordés par les Etats Unis. Ces privilèges permettent au produit tunisien d’être plus compétitif. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut tenter le coup. Car, les retombées sont certainement bénéfiques et pour les promoteurs tunisiens et pour l’économie nationale.